Nous recevons aujourd’hui Soan Zamoun, qui vient de sortir un ouvrage sur le sujet de la communication interculturelle, sujet important et crucial, particulièrement en ces temps de troubles géopolitiques et diplomatiques. Il nous explique pourquoi il a écrit ce livre et le résultat de ces recherches dans cette interview :
Genèse et motivation
« Bonjour Soan. Qu’est-ce qui t’a conduit à explorer le domaine de la communication interculturelle et à écrire « La communication interculturelle » ?
Quels événements ou expériences personnelles ont influencé ton intérêt pour ce sujet ? «
« Les langues étrangères, les cultures du monde et le voyage ont toujours attisé ma curiosité. J’ai commencé à voyager très jeune et je me suis vite rendu compte des différences culturelles, de la richesse des langues étrangères et de l’expérience existentielle que représentait le voyage. Avec mes voyages, mes études et expériences professionnelles à l’étranger, j’ai souvent rencontré la diversité culturelle. Le constat de nombreuses situations de communication interculturelle conflictuelles ou non satisfaisantes m’ont conduit à me questionner sur la possibilité de réduire les incompréhensions et de faciliter l’échange verbal en limitant l’impact des différences culturelles et linguistiques sur les interactions.
L’écriture de mon ouvrage récent « La communication interculturelle » s’inscrit dans cette démarche de réflexion et de partage. Mon expérience en tant qu’enseignant et formateur m’a permis d’observer concrètement les difficultés et les opportunités liées à la communication entre personnes issues de contextes culturels variés. De plus, mes recherches en tant que chercheur indépendant m’ont amené à approfondir ces questions et à proposer des pistes de réflexion et d’action. »
Méthodologie et recherche
« Peux-tu m’expliquer brièvement la méthodologie employée dans tes recherches menées en 2023-2024 ? Quelles sont les principales conclusions que tu en as tiré ? «
« Dans mes recherches menées en 2023-2024, j’ai réalisé une étude qualitative basée sur une démarche ethnographique d’observation du terrain (observations externes et observations participantes), l’analyse de discours et des entretiens semi-directifs avec des acteurs variés (professionnels du tourisme, enseignants FLE français langue étrangère, professeurs, voyageurs). Les professionnels observés ou/et interviewés sont de nationalité française, anglaise, américaine, italienne, espagnole, colombienne. Les voyageurs et participants observés sont des personnes du monde entier.
Cette méthodologie m’a permis de mieux comprendre les défis et stratégies employées dans les interactions interculturelles.
Les principales conclusions que j’ ai tirées révèlent que la communication interculturelle repose non seulement sur la connaissance linguistique, mais surtout sur la capacité d’adaptation, l’écoute active et la compréhension des codes culturels implicites.
La mondialisation a certes accéléré les échanges, mais elle a aussi amplifié les risques de malentendus si ces aspects ne sont pas pris en compte.
La relation usages de la langue – contexte doit être clairement considérée et anticipée lorsque c’est possible. Le contexte représente en fait un cadre pour les usages de la langue. Il ressort aussi que la connaissance des grandes lignes des dimensions culturelles associées aux cultures devient un réel atout pour créer une cohésion de groupe, établir une certaine confiance, montrer une certaine considération envers l’autre et favoriser l’échange verbal. Bien appréhendée, l’existence de conflits culturels peut aussi renforcer la connaissance des cultures et développer les compétences interculturelles du professionnel. Pour terminer, les besoins et motivations des différents interlocuteurs doivent clairement être identifiés et formulés. Bien entendu, une flexibilité et une négociation des contenus et méthodes de travail du professionnel avec les participants produit un échange verbal riche et une intercompréhension optimisée.
Définition et enjeux de la communication interculturelle
« Comment définirais-tu la communication interculturelle dans le contexte actuel de mondialisation ? Quels sont selon toi les principaux défis et opportunités liés à cette forme de communication ?«
« Dans le contexte actuel de mondialisation, la communication interculturelle peut être définie comme l’ensemble des processus d’échange d’informations et d’idées entre des individus issus de cultures différentes. Elle implique la prise en compte des références culturelles, des valeurs, des normes et des modes de communication propres à chaque groupe.
Les principaux défis résident dans la gestion des malentendus culturels, la négociation des différences et la capacité à construire des ponts entre les cultures. En revanche, les opportunités sont immenses : enrichissement personnel et professionnel, ouverture à de nouvelles perspectives, et amélioration des compétences en intelligence émotionnelle et sociale.
La définition que je donne dans mon livre:
“ Communiquer en tenant compte des modes de fonctionnement des autres cultures et agir de manière appropriée dans le respect et la compréhension de l’Autre dans le but de coconstruire un message par la mise en place de stratégies d’ordre linguistique et comportemental.” (Zamoun, 2024, p. 31) »
Langues et cultures
« Comment la langue, en tant qu’outil de communication, influence-t-elle la perception et l’interaction entre différentes cultures ?
Peux-tu partager un exemple concret tiré de tes recherches ou de tes voyages illustrant ce lien entre langue et culture ? «
« La langue est un vecteur essentiel de la culture et influence fortement la perception et l’interaction entre individus. Chaque langue porte en elle une vision du monde, des concepts uniques et une manière propre d’organiser la pensée.
Les langues véhiculent une façon d’appréhender la réalité qui évolue au fil des expériences personnelles, des pratiques interculturelles, des évolutions sociales et des interactions avec différents groupes sociaux.
Par exemple, l’anglais, souvent utilisé comme langue véhiculaire entre personnes dont ce n’est pas la langue maternelle, ne permet pas parfois de se comprendre complètement car la langue véhiculaire utilisée comme simple outil de communication ne suffit parfois pas à réduire les écarts culturels.
D’ailleurs, il est intéressant de noter que l’anglais n’est pas utilisé de la même façon même par des personnes dont c’est la langue maternelle! Pourquoi ?
L’anglais est la langue de plusieurs pays anglophones de cultures occidentales diverses (principalement l’Angleterre, l’Irlande, l’Écosse, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada et les États-Unis). C’est aussi la langue de pays de cultures non occidentales où l’anglais est un héritage colonial (l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Sri Lanka, la Malaisie, Singapour, les Philippines). »
Expériences personnelles et voyages
« En tant que voyageur passionné, comment tes expériences à l’étranger enrichissent-elles tes recherches et tes écrits ? Y a-t-il une anecdote de voyage qui t’a particulièrement marqué et qui illustre l’importance de comprendre les différences culturelles ? «
« Voyager est une immersion directe dans la diversité culturelle et constitue une source inestimable d’apprentissage. Le voyage est une expérience universelle qui a le pouvoir de transformer les perspectives des individus, d’élargir leurs horizons et de créer des souvenirs inoubliables.
Chaque voyage m’a permis d’expérimenter concrètement les différences culturelles et d’affiner mes réflexions sur la communication interculturelle.
J’aime bien cette citation:
« Le voyage permet, à travers le glissement d’un monde vers un autre monde, de vivre le divers et de percevoir la différence. » (Moniz et Coelho, 2020)
Une anecdote marquante fut de mon premier voyage en Angleterre à l’âge de 16 ans. J’ai été confronté directement à la différence de codes culturels. Ayant une culture méditerranéenne, lors de mon arrivée dans la famille d’accueil anglaise, j’ai dit bonjour à tout le monde avec une bise sur les joues. J’ai bien ressenti sur le moment qu’il y avait un malaise mais c’est seulement le lendemain que l’on m’a expliqué que cela ne se faisait pas dans ce contexte. »
Projets futurs et initiatives digitales
« Tu comptes créer un site dédié aux voyages, aux langues et aux cultures. Quel est le concept derrière ce projet et que souhaites-tu y proposer ? Quels autres projets ou recherches envisages-tu pour l’avenir dans ce domaine ? «
« Je suis en train de créer mon site web dédié aux voyages, aux langues et aux cultures. L’idée est de partager mes connaissances et expériences à travers des articles de réflexion, des conseils de voyages, mes photos, une sensibilisation à la communication interculturelle ainsi que des ressources pédagogiques pour préparer son voyage et découvrir des destinations authentiques de manière éclairée et responsable.
Je vais aussi proposer des formations liées à l’interculturalité, à la communication ouvertes à tous ainsi que des formations spécifiques qui s’adresseront aux enseignants.
Le site en cours de création: www.soan-evasion.com
Concernant la suite de mes recherches : Jusque là je m’étais concentré sur la communication interculturelle dans deux contextes: le tourisme et la formation d’enseignants européens. Je suis désormais en train d’explorer les mécanismes de la communication dans trois autres contextes : l’alphabétisation d’adultes étrangers, l’enseignement du français comme langue étrangère (élèves allophones) et le marketing dans les entreprises internationales. »
Conseils et perspectives
« Quels conseils donnerais-tu aux étudiants ou aux professionnels souhaitant se lancer dans la recherche en communication interculturelle ? Comment voyez-vous l’évolution de la communication interculturelle face aux avancées technologiques et à l’accélération des échanges mondiaux ? «
« Aux étudiants et professionnels souhaitant se lancer dans la communication interculturelle, je conseillerais avant tout la curiosité et l’ouverture d’esprit. Apprendre une langue, voyager, observer, poser des questions et accepter de sortir de sa zone de confort sont autant de moyens de développer une véritable compétence interculturelle.
Il faut aussi lire les articles récents de chercheurs en didactique des langues et culture et en communication interculturelle pour bien cerner les enjeux et les différentes composantes de la communication interculturelle.
Ensuite, il est intéressant de mettre ces connaissances à l’épreuve en voyageant ou même en s’intéressant à la diversité culturelle dans notre pays via des associations par exemple.
La communication interculturelle évolue rapidement avec les avancées technologiques et la digitalisation des échanges. Si les outils numériques permettent de réduire les distances, ils posent également de nouveaux défis en termes d’interprétation des signaux non verbaux et de gestion des différences culturelles dans des espaces virtuels. De plus, la maîtrise des nouvelles technologies reste un paramètre à prendre en compte en fonction de la situation géographique.
Il peut cependant être intéressant de réduire les incompréhensions grâce à l’utilisation d’outils digitaux et d’images bien choisies en réduisant la partie textuelle. N’oublions pas aussi que l’utilisation d’internet et des nouvelles technologies nous permet d’avoir un lien avec n’importe quel pays du monde et donc de développer notre compréhension du monde et nos coopérations. »
« On pourrait aussi parler de communication interculturelle dans le cadre d’enjeux diplomatiques, un axe définitivement d’actualité…«
« La communication interculturelle joue un rôle clé dans les enjeux diplomatiques contemporains. La compréhension des codes culturels et la maîtrise des dynamiques interculturelles sont essentielles pour favoriser le dialogue, prévenir les conflits et renforcer la coopération internationale.
Ainsi, mon ouvrage « La communication interculturelle » ambitionne d’apporter un éclairage à la fois théorique et pratique sur ces questions, afin d’aider chacun à mieux naviguer dans un monde toujours plus interconnecté.
Les diplomates sont formés à la communication interculturelle et je pense que tout le monde devrait y être au moins sensibilisé dans le monde globalisé dans lequel nous vivons aujourd’hui. »
Retrouvez Soan et son ouvrage, en ligne et sur les réseaux :