L’héritage arabe en Espagne

L'Alhambra de Grenade ornements
Sommaire

Histoire, langue, architecture, musique ou encore gastronomie, peut-être ne le saviez-vous pas, mais l’héritage arabe en Espagne est riche et varié.

En effet, au Moyen-âge, l’Espagne a été conquise par le califat de Damas, début d’une invasion arabe qui durera plus de 5 siècles.

Cette conquête laissera des traces encore visibles aujourd’hui dans la langue et la culture espagnole. Dans un premier temps, vous découvrirez l’histoire qui unit  l’Espagne et la culture arabe, puis les trésors qu’elle a laissé dans la péninsule ibérique.

Façade de la Medina Azahara à Cordoue

Histoire de la conquête musulmane en Espagne

Pendant plus de cinq siècles, l’Espagne a été dominée par les musulmans. En effet, durant cette longue période, différents émirs se sont succédés avant d’être battus par les Rois d’Espagne venus de Castille et d’Aragon en 1212.

Du Royaume Wisigoth à Al-Andalus

Avant de tomber aux mains des Maures (populations berbères d’Afrique du Nord), l’Espagne était dominée par les Wisigoths, des guerriers originaires de Scandinavie. Mais comment en est-on arrivé là ?

Comment les musulmans ont-ils conquis l’Espagne ?

Tout commence dans la ville de Tanger, au Maroc. Un homme appelé Moussa Ibn Nokair, « vâli » du calife omeyyade de Damas en Afrique du Nord, rêve de conquérir la péninsule ibérique. Mais il n’est pas seul, ses généraux aussi songent à s’emparer des territoires où règnent alors les Wisigoths. Ces deux généraux, ce sont Tarif Ibn Malik et Tariq Ibn Ziyad.

Ils rassemblent alors 700 combattants, dont la plupart sont berbères, pour conquérir les terres de la péninsule ibérique dans la nuit du 27 au 28 avril 711.

D’ailleurs, c’est Tariq qui donnera son nom à Gibraltar en posant la première fois le pied à terre en Espagne.

En effet, le terme « Gibraltar » vient de « Djebel Tarik », qui signifie « la Montagne de Tariq » en arabe en référence au rocher qui se dresse face au détroit. Tarif, quant à lui, donnera son nom au port espagnol de Tarifa.

Cependant, les musulmans ne sont pas seuls dans cette conquête, ils bénéficient d’une aide extérieure : le Comte Julien, un byzantin qui voue une rancune tenace au roi des Wisigoths, Rodrigue, qu’il accuse d’avoir violé sa fille. C’est le Comte Julien qui fournira les navires nécessaires au débarquement de Tariq en Espagne. Et voilà, c’est le début de la conquête musulmane.

L’installation des musulmans dans la Péninsule ibérique

Anciennement persécutés par les Wisigoths, peuple catholique, les juifs s’allient tout naturellement avec les musulmans.

Par conséquent, les rangs de la conquête musulmane grossissent à vue d’œil étant donné la grande population juive vivant en Espagne depuis la destruction du Temple de Jérusalem.

Cependant, il faudra au moins 15 ans pour que le califat omeyyade s’installe dans toute l’Espagne. Ce nouveau territoire conquis s’appelle al-Andalus, qui, comme vous pouvez vous en douter, donnera son nom à l’Andalousie.

L’apogée d’Al-Andalus

En 749, un changement de dynastie à Damas va permettre à l’émirat de Cordoue de s’émanciper.

C’est le dernier calife omeyyade Abd al-Rahman I qui en prend la tête. Abd al-Rahman est en fait un membre de la famille omeyyade qui régnait à Damas et qui a été décimée par les Abbassides, ses rivaux. Seul survivant, il s’échappe au Maghreb et réfléchit à sa vengeance.

Par la suite, il débarquera à Almuñécar, petite ville située entre Malaga et Almeria en Andalousie. Il rassemblera de nombreux partisans et sera élu émir de Cordoue. Dans sa lignée, Abd al-Rahman III offrira une époque prospère à l’Espagne musulmane à partir de 929 et le règne omeyyade durera jusqu’en 1031.

califat cordoue al-andalus
« La civilització del califat de Còrdova en temps d’Abd al-Rahman III », peinture par Dionís Baixeras (1885).

La chute du Royaume

Cependant, après une longue période prospère, l’Espagne du califat commence a perdre du pouvoir et les batailles se multiplient.

Les taïfas, de nouvelles régions ?

A la mort du dernier calife Al-Mansour en 1002, le califat de Cordoue perd de son éclat. A partir de 1031, le califat perd son unité territoriale et se morcelle en différents royaumes appelés des taïfas.

Pendant plus de 60 ans, des guerres éclateront dans les taïfas puisque la division du califat va permettre aux chrétiens de reconquérir l’Espagne par le Nord.

Une nouvelle dynastie berbère apparait, la dynastie des Almoravides, puis la dynastie des Almohades qui mènera le califat à sa perte.

La bataille de Las Navas de Tolosa et la reconquête de l’Espagne

Peu à peu, les taïfas tombent aux mains des chrétiens. Mais c’est en 1212, le 16 juillet exactement, qu’une bataille viendra sonner la fin du règne arabe en Espagne : la bataille de Las Navas de Tolosa.

Ce jour-là, les Berbères tombent face à face avec des chrétiens sur un champ de bataille à Bailen, dans le nord de l’Andalousie, et sont massacrés. Les Almohades, battus à plate couture, s’enfuient de toutes parts, laissant le soin aux chrétiens de reconquérir tout le territoire du sud de la péninsule ibérique.

Cependant, il faudra plus de 30 ans aux chevaliers chrétiens pour reprendre l’intégralité du territoire. Oui, un seul territoire résistait encore et toujours à l’envahisseur. Il s’agit de Grenade, où régnait la dynastie des Nasrides, qui ne sera reconquise qu’en 1248.

Au terme de ces 5 siècles de domination des Maures, de nombreux vestiges ont été laissés. Que ce soit dans la langue ou dans la culture espagnole, vous remarquerez que la domination de l’influence arabe en Espagne a laissé des marques indélébiles sur son passage. Découvrons maintenant cet héritage qui fait toute la richesse de la culture espagnole.

L’héritage arabe dans la culture espagnole

De nos jours, il reste de nombreuses traces de la culture arabe en Espagne. Regardons de plus près la langue, l’architecture, la musique et la gastronomie, qui témoignent du passage des Maures en pays espagnol.

Les influences arabes de la langue espagnole

C’est dans la langue espagnole que l’on remarque le plus l’influence de la domination arabe. En effet, contre toute attente, de nombreux mots espagnols sont issus de l’arabe. Selon les estimations, plus de 10 000 mots espagnols viendraient de l’arabe.

  • Les mots commençant par al- : la particule al- en arabe représente les articles définis « le », « la » et « les ». On remarque l’entrée de mots arabes dans la langue espagnole avec le grand nombre de mots commençant par al-.

On trouve premièrement de nombreux mots du langage courant imprégnés de la langue arabe :

alberca vient de l’arabe لبركة ج برك (al-berka) et signifie « bassin », « piscine »
alforja vient de l’arabe الخرج ج خرجة (al-horja) et signifie « besace »
almohada vient de l’arabe المخدّة ج ات مخادّ (al mihadda) et signifie « oreiller »
albanil vient de l’arabe البناء (al banaa’) et signifie « maçon »
alcalde vient de l’arabe القاض (al-qadi) et signifie « magistrat »
aldea vient de l’arabe  الضّيعة ج ضيع  (ad- daya) et signifie « hameau« 
almoneda vient de l’arabe المناداة (Almonaadaaa) et signifie « vente publique »
alfarero vient de l’arabe  الفخّار (al fahhaar) et signifie « potier »
algo vient de l’arabe  ات حواءج (al haaja) et signifie « quelque chose »
almacen vient de l’arabe لمخزن   (almahzan) et signifie « entrepôt« 

Cependant, la langue arabe a aussi laissé ses empreintes sur les noms de villes espagnoles. Si vous connaissez déjà Tarifa et Gibraltar, ce sont loin d’être les seules à avoir changé de nom au Moyen-Age sous la domination arabe.

– Almeria, en Andalousie
– Alcantara, en Estrémadure
– Alicante, à Valence
– Alafar, à Valence
– Almoharin, en Estrémadure
– Almargen, Andalousie
– Alcaraz, en Castille-et-Léon
– Albacete, en Castille-et-Léon

Pour plus de mots espagnols d’origine arabe, voici un lexique de référence.

  • On retrouve en arabe plusieurs expressions du langage courant qui viennent elles aussi de l’arabe. On peut citer « hola », qui signifie « salut » et vient de l’arabe « Allah » et l’expression « Ojalá », utilisée pour exprimer « pourvu que… » et qui vient de l’expression arabe « In Sha Allah » qui signifie « Si dieu le veut ».

Vous voulez apprendre l’espagnol ? Consultez notre article pour tout savoir sur la langue de Don Quijote.

Les trésors d’architecture

On remarque premièrement que certaines villes comme « Alcala de Henares » ou « Alcala la Real » contiennent le mot « Alcala » qui signifie « Forteresse ». En effet, il faut savoir que les Maures ont baptisé plusieurs monuments espagnols de grande importance, qui portent eux aussi un nom arabe :

  • l’Alhambra de Grenade : le terme « alhambra » vient du féminin de « rouge » en arabe. On lui aurait donné ce nom en référence à sa couleur splendide au coucher du soleil.
  • l’Almudena de Madrid : l’Almudena a été baptisée ainsi par les arabes, « almunena » signifiant « petite ville ».

Cependant, les Maures ne se sont pas seulement contentés de donner des noms, ils ont également fait construire des monuments qui attirent des millions de touristes par an.

La mosquée-cathédrale de Cordoue

La mosquée-cathédrale de Cordoue : joyau de l’architecture islamique, elle a été construite en 786 par les Omeyyades, mais il faudra attendre la Renaissance pour qu’elle soit achevée par les chrétiens. Elle concentre les deux lieux de cultes musulman et chrétien, témoignage des influences religieuses distinctes.

Giralda, le minaret de Séville

La Giralda, le minaret de Séville : le minaret de la mosquée almohade de Séville est tout ce qu’il reste de la mosquée construite par les Maures au XIIème siècle. En effet, un tremblement de terre a emporté le reste du bâtiment. Les Almohades sont la dernière dynastie maure à avoir régné en Espagne.

L'Alhambra de Grenade

L’Alhambra de Grenade : voici un chef-d’œuvre de l’architecture islamique. Il s’agit là d’une acropole médiévale dans une enceinte fortifiée surplombant la ville de Grenade. Elle se compose des palais nasrides, de la citadelle de l’Alcazaba, des jardins du Partal, du généralife, mais aussi du palais de Charles Quint, trace de la reconquête par les chrétiens.

L'Alhambra de Grenade ornements
De somptueux ornements visibles dans l’Alhambra de Grenade

Au rythme de la musique andalouse

Les Maures ont exercé leur influence sur l’Espagne dans le domaine de la musique. Si vous prêtez bien l’oreille, vous trouverez de nombreuses similitudes entre la musique andalouse et la musique arabe. Que ce soit au niveau des instruments ou des chants, regardons d’un peu plus près.

rebec
Un rebec

La musique traditionnelle andalouse se compose de différents instruments, tous originaires de la musique arabe. Il y a tout d’abord le luth, puis le rebec, le canon et le zarb.

L’un des savants les plus renommés de l’époque, Ziriab, musicien attitré de Abd al-Rahman II, a contribué à cet héritage musical.

Considéré comme le père de la musique andalouse, il a révolutionné le luth en y ajoutant une corde et créé la première école de musique de Cordoue.

De nos jours, de nombreux musiciens rendent hommage à cet héritage culturel. Par exemple, une collection de CD appelée « Hispanica » retrace la musique espagnole et arabo-andalouse. Mais ce n’est pas tout ! Prenez le temps d’écouter des chants andalous traditionnels. Les vocalises ne vous rappellent rien ?

Les influences arabes dans la gastronomie espagnole

L’héritage gastronomique arabe en Espagne est également très important. Cela ne se retrouve pas tant dans les plats traditionnels, mais plutôt dans les éléments qui les composent.

Si vous ne le saviez pas, plusieurs aliments cultivés en Espagne proviennent des terres du Maghreb. Les Maures ont apporté la culture de :

  • l’aubergine, appelée « berenjena », de l’arabe باذنجان (badhnjan)
  • l’amande, appelée « almendra »
  • l’artichaut, appelé « alcachofa »

On remarque d’ailleurs que plusieurs noms d’aliments sont issus de l’arabe. On retrouve « albahaca », qui signifie basilic, ou encore « albaricoque » pour abricot, et « zanahoria » pour carotte. Si la plupart de tous ces aliments ne sont plus cultivés uniquement en Espagne, certaines cultures sont originaires de cette région du sud du pays.

Toutefois, certains plats sont nés du mariage entre culture espagnole et culture arabe.

Si vous allez en Andalousie par exemple, vous pourrez gouter aux « albondigas » (autre mot d’origine arabe), qui sont des boulettes de viande en sauce. Vous pourrez aussi manger un plat de « migas » qui sont en fait des restes de pain sec que l’on fait revenir dans de l’huile avec de l’ail. L’Espagne a également hérité d’une autre tradition culinaire arabe : la conservation en escabèche, c’est-à-dire dans un mélange d’huile et de vinaigre.

Albondigas
Miam miam ! (ce sont des albondigas)

Conclusion

L’arrivée de Tariq Ibn Ziyad sur le rocher de Gibraltar en 711 a annoncé le début d’une ère nouvelle, qui a fait rentrer la culture arabe en Espagne. En arrachant le pays à la domination des Wisigoths, pendant quelque cinq siècles, les Maures laisseront une empreinte indélébile dans la culture espagnole, depuis sa gastronomie jusqu’à sa linguistique .

On remarque effectivement l’influence de la domination arabe dans le langage, premièrement, avec environ 10 000 mots d’origine arabe dans la langue courante espagnole, qu’il s’agisse de mots relatifs à la construction ou aux aliments. L’influence arabe est également visible dans l’architecture, avec la construction de l’Alhambra ou de la mosquée cathédrale de Cordoue, ou encore dans les différents plats traditionnels andalous. Pour finir, la musique n’est pas en reste, avec ses rythmes enivrants Made in Maghreb.

Est-ce que cela vous a donné de visiter l’Espagne ?

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2 réponses

  1. page internet très intéressante cela vaut vraiment le coup de lire il y a beaucoup d’informations pour la culture générale, les exposés….

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